Des drogues aux préparations végétales : formes galéniques et pharmaceutiques
Aspects généraux
Il existe différentes formes de spécialités pharmaceutiques (gélules,
comprimés, pommades...) pour les médicaments à base de plantes. Le principe
actif renfermé, initialement sous forme de poudre, d'extrait ou de teinture,
peut se présenter sous différents aspects et constitue ce que l'on appelle une
forme galénique.
La matière première se présente ainsi sous trois formes potentielles :
• les plantes fraîches : elles servent de base à la préparation des teintures
mères, qui permettent à leur tour l'élaboration des médicaments homéopathiques.
• les plantes séchées : elles constituent la base des teintures officinales,
des nébulisats, des extraits, mais aussi des poudres.
• les plantes stabilisées : le potentiel enzymatique de la plante est
annihilé par l'action de l'alcool ou de la chaleur, permettant la conservation
des constituants dans leur état originel. Ces plantes permettent d'obtenir les
intraits.
Les technologies d'extraction
Traitement préalable de la drogue
Préalablement à l'extraction, les drogues, qui se présentent sous forme de
fragments séchés, sont broyées jusqu'à atteindre un degré de granulométrie
adapté à une dissolution optimale des constituants à isoler. La granulométrie
retenue représente un compromis entre degré d'extraction maximal, filtration
aisée et absence de tassement dans les percolateurs. Dans le cas d'une
extraction en milieu aqueux, la drogue est humidifiée pour empêcher tout
gonflement tardif.
Techniques d'extraction
Il n'y a pas de solvant type pour une extraction, mais la nature de ce
dernier conditionne l'efficacité de l'extrait. La méthode d'extraction doit donc
être choisie avec minutie afin de retenir les constituants recherchés dans le
produit fini. L'utilisation de l'eau, et plus tard de l'alcool comme solvants
est généralement adaptée car nombres de molécules pharmacologiquement actives
s'y dissolvent.
On distingue différents types d'extractions :
• La macération
La drogue, finement divisée, est mise en contact avec la totalité du solvant et
conservée pendant plusieurs jours à température ambiante et à l'abri de la
lumière. La solution, régulièrement agitée est finalement soutirée et le marc
résiduel pressé. Cette solution extractive devient un extrait par évaporation du
solvant.
• La percolation ou lixiviation L'extraction est obtenue par passage lent et régulier d'un solvant au
travers d'une poudre de drogue placée dans un percolateur. Les quantités de
drogues et de solvants, la durée et le débit de l'écoulement, la température et
l'agitation, la granulométrie de la drogue, le type d'appareil utilisé sont
autant de paramètres de nature à influer sur l'extraction.
• L'infusion, la digestion et la décoction
Ces procédés, utilisés pour l'extraction industrielle mais aussi pour la
préparation des tisanes seront décrits ultérieurement.
L'inconvénient majeur de l'ensemble des formes extractives liquides est le
relatif manque de stabilité des solutions au cours du temps, les constituants
actifs étant soumis à un risque élevé d'hydrolyse ou d'alcoolyse par le solvant
résiduel.
Conditions expérimentales
Les dispositifs d'extraction les plus couramment utilisés de nos jours par
l'industrie font appel à des extracteurs de type Soxhlet ou Kumagawa, qui
limitent le volume de solvant employé par un système d'épuisement de la drogue
en continu. Ces procédés sont utilisables pour des produits d'extraction qui ne
sont pas dénaturés par la chaleur. Certaines méthodes d'extraction à contre
courant consistent à faire passer en sens inverse la drogue à extraire et le
solvant d'épuisement. Néanmoins, ces techniques sont plus adaptées à la
séparation de constituants purifiés qu'à l'obtention d'un extrait de plantes à
proprement parler. D'autres appareils reposent sur l'utilisation d'une vis sans
fin transportant la drogue arrosée en continu par un solvant plus ou moins
enrichi.
Selon le solvant utilisé, une gamme de constituants actifs, généralement de même
polarité, est extraite mais ne représente qu'une fraction du profil chimique de
la drogue initiale. Le choix du solvant est sous la dépendance de nombreux
paramètres : capacité d'extraction, stabilité, réactivité, viscosité, tension
superficielle, température d'ébullition, point d'inflammation et degré
d'inflammabilité, point d'explosion, présence éventuelle de résidus ultérieurs,
prix de revient...
On peut schématiquement classer les solvants par polarité croissante et présenter
en regard les classes de substances potentiellement extractibles :
• éther de pétrole, hexane, cyclohexane : carbures, lipides, stérols, essences,
cires, lécithines, caroténoïdes, lactones les moins polaires...
• toluène, chloroforme, chlorure de méthylène : chlorophylles, caroténoïdes,
pigments divers, résines et oléorésines, aglycones (flavonoïdes, anthraquinones,
coumarines...), alcaloïdes bases, lactones, terpènes peu oxygénés...
• acétate d'éthyle, acétone, méthanol, alcool de titre variable, eau par ordre
de polarité croissante : terpénoïdes, stéroïdes, phénols, lactones, hétérosides
(flavonoïdes, anthraquinones, quinones, coumarines...), alcaloïdes, polyols,
tanins, saponosides, acides organiques, sels minéraux, acides aminés
• eau froide : protéines, acides aminés, gommes, mucilages, sels minéraux
• eau bouillante : amidon, inuline, pectines.
Le solvant d'extraction est ensuite décanté, centrifugé et filtré avant de
réaliser une distillation destinée à obtenir l'extrait à la concentration
voulue. La solution est ensuite généralement séchée par nébulisation, afin de
recueillir un extrait sec dépourvu de toute trace de solvant.
Des techniques plus modernes d'extraction se développent, faisant appel à
l'utilisation de gaz à l'état supercritique comme solvants.
Quelques définitions
Les extraits
Les extraits sont des préparations liquides (extraits fluides et teintures),
de consistance semi-solide (extraits mous ou fermes) ou solide (extraits secs),
obtenues à partir de drogues végétales ou de matières animales généralement à
l'état sec. Les extraits titrés sont ajustés au moyen d'une substance inerte ou
en mélangeant des lot d'extraits, avec une tolérance acceptable à une teneur
donnée en constituants ayant une activité thérapeutique connue. Les extraits
quantifiés sont ajustés à une fourchette définie de constituants en mélangeant
des lots d'extraits. Les autres extraits sont définis par leur procédé de
production (état de la drogue végétale, solvant, conditions d'extraction) et
leurs spécifications. (Définition d'après la Pharmacopée européenne)
L'extraction est réalisé par un solvant approprié (généralement de l'éthanol)
à partir d'un ou plusieurs lots de drogue, qui peuvent avoir subi préalablement
différents traitements comme l'inactivation des enzymes présents, un broyage ou
encore un dégraissage. La consistance peut être modifiée à condition de
travailler à température et pression réduites. Certains excipients, stabilisants
et conservateurs, de même que les huiles essentielles séparées au cours de
l'extraction peuvent être rajoutées aux extraits. Dans le cas de la production
d'extraits titrés et quantifiés, des procédures spécifiques de purification
permettent d'augmenter les proportions par rapport aux valeurs attendues : on
parle alors d'extraits purifiés.
Les essais portent sur la qualité microbiologique, la recherche de métaux
lourds, des aflatoxines et des pesticides. Enfin, un dosage est réalisé.
Les mentions suivantes doivent figurer sur l'étiquetage :
• drogue employée (dénomination, état sec ou frais)
• nature de l'extrait (liquide, mou, sec, teinture)
• teneur en constituants actifs pour les extraits titrés
• teneur en marqueurs pour les extraits quantifiés
• rapport entre la quantité de matière première et l'extrait natif (DER)
• nature du ou des solvants utilisés
• mention éventuelle : extrait purifié
• nom et quantité de tout excipient, stabilisant, conservateur utilisé
• pourcentage de résidu sec
Les extraits fluides
Les extraits fluides sont des préparations liquides dont, en général, 1
partie en masse ou en volume correspond à une partie en masse de drogue végétale
séchée. Ces préparations sont ajustées, si nécessaire, de façon à répondre aux
exigences de la teneur en solvants, et, dans les cas appropriés, en
constituants. (Définition d'après la Pharmacopée européenne)
Leur obtention repose sur l'utilisation d'un procédé d'extraction par de
l'éthanol de titre adéquat ou par l'eau ou la dissolution d'un extrait sec ou
mou par ces solvants. Une filtration de ces extraits est possible.
Les essais concernent la densité, la teneur en éthanol, les éventuels résidus de
méthanol et de 2-propanol (maximum 500 ppm).
Les extraits totaux initiaux peuvent ensuite subir divers traitements de
purification afin de concentrer les constituants actifs. On parle alors
d'extraits enrichis ou raffinés.
Les extraits mous ou fermes
Les extraits mous ou fermes sont des préparations semi-solides préparées par
évaporation ou évaporation partielle du solvant ayant servi à leur extraction.
Ils satisfont aux limites concernant le résidu sec et à l'essai limite du
solvant utilisé. (Définition d'après la Pharmacopée européenne)
Les extraits secs
Les extraits secs sont des préparations solides, obtenues par évaporation du
solvant ayant servi à leur production. Les extraits secs ont généralement une
perte à la dessiccation ou une teneur en eau qui est au maximum de 5 % m/m.
(Définition d'après la Pharmacopée européenne)
Les teintures
Les teintures sont des préparations liquides généralement obtenues soit à
partir de 1 partie de drogue végétale ou de matière animale et de 10 parties de
solvant d'extraction, soit à partir de 1 partie de drogue végétale ou de matière
animale et de 5 parties de solvant d'extraction. (Définition d'après la
Pharmacopée européenne)
Les teintures sont préparées par action de l'éthanol :
• soit par macération : la drogue végétale, réduite en morceaux, est mise en
contact avec le solvant pendant une période plus ou moins longue. La drogue
résiduelle est soutirée et éventuellement pressée et les liquides sont réunis.
• soit par percolation : la méthode est semblable, à la différence que le
mélange drogue-solvant est introduit dans un percolateur ; le percolat est
recueilli goutte à goutte, le reste de la drogue étant recouvert par le solvant
d'extraction ; le marc est éventuellement pressé et les liquides réunis.
Les teintures sont soumises aux limites concernant les résidus secs, la densité,
la teneur maximale en méthanol et en 2-propanol (max. 5 ppm.).
L'étiquetage doit mentionner :
• la nature de la drogue végétale ou animale
• la teneur en éthanol (% V/V) pour l'extraction et pour la teinture finale
• la teneur en constituants actifs.
Les poudres
Les pharmacopées présentent des monographies concernant les formes
pulvérulentes des drogues végétales. Leur élaboration repose généralement sur un
séchage préalable, à une température indiquée ou sur une cryodessiccation des
drogues divisées. Il se peut que la pulvérisation aboutisse à un produit final
inhomogène, en raison d'éléments plus ou moins résistants, d'où la nécessité de
réaliser un tamisage pour certaines poudres. La pharmacopée européenne fournit
une classification granulométrique des poudres par tamisage et indique, dans ses
monographies, le numéro de tamis permettant le passage de 97 % d'une poudre
donnée.
Les huiles essentielles
L'obtention d'une huile essentielle peut être réalisée, soit par entraînement
à la vapeur d'eau, éventuellement suivi d'une rectification, à partir de drogues
végétales sèches ou fraîches, soit, dans le cas des Citrus, par
expression du péricarpe frais à l'aide de moyens mécaniques adaptés et sans
chauffage.
Les monographies comportent les mentions suivantes :
• description de l'odeur et de la saveur
• résultats obtenus pour la recherche de l'eau
• résultats obtenus pour la recherche des huiles grasses, des huiles
essentielles résinifiées
• évaluation du résidu d'évaporation, du degré de solubilité dans l'alcool.
Autres formes galéniques
L'alcoolat
Il s'agit d'un alcool chargé par la distillation des principes volatils d'une
drogue (alcoolat simple) ou de plusieurs drogues (alcoolat composé). Ces
alcoolats tendent à disparaître au profit de solutions alcooliques d'essences.
L'alcoolature
Elle est obtenue par l'action dissolvante de l'éthanol de titre élevé et à
froid sur des drogues fraîches, qui perdraient toute activité si elles étaient
utilisées à l'état sec.
L'eau distillée
Les eaux distillées sont produites par entraînement à la vapeur d'eau de
drogues fraîche plus ou moins contusées. On élimine l'excès d'huile essentielle
par décantation ou par filtration.
L'intrait
Il consiste en un extrait obtenu à partir d'une plante stabilisée et qui a
donc conservé sa composition chimique initiale, étant donné la destruction
initiale des enzymes de dégradation.
Conditions d'extraction et impact thérapeutique
Le profil chimique étant propre à chaque forme galénique, les applications
thérapeutiques qui en découlent sont bien entendues différentes. Le choix de la
forme galénique est donc essentiel et il est indispensable de ne pas conclure
trop vite à une similitude entre les propriétés d'une plante entière et celles
d'une de ses préparations particulières.
Il est à noter que la quantité de constituants actifs extraits par un solvant
donné est fonction de chaque espèce végétale. Des différences quantitatives
peuvent également être liées à des modifications intervenant au sein même du
solvant d'extraction. Ainsi, l'alcool permet en général d'obtenir une meilleure
stabilité des solutions extractives par rapport aux solutions aqueuses mais il
peut présenter des inconvénients pour une utilisation en pédiatrie ou en
gérontologie ainsi qu'un certain nombre de risques d'interactions
médicamenteuses.
En outre, la nature du solvant influe sur la biodisponibilité des constituants
actifs au sein de l'organisme, en jouant sur le tropisme des molécules par
rapport à leurs cellules cibles. La température du solvant entre également en
ligne de compte, une température d'extraction trop élevée pouvant entraîner une
destruction des principes actifs thermolabiles.
Standardisation et normalisation des extraits
Les médicaments à base de plantes sont des mélanges complexes de nombreux
constituants. Ainsi, selon le lot de matière première, selon les modalités de
fabrication de l'extrait (nature du solvant, proportions, durée et température
d'extraction...), il est presque impossible d'obtenir des extraits de
composition totalement similaire, en dépit de l'utilisation de drogues
présentant des teneurs initiales identiques en principes actifs ainsi que des
procédés de fabrication précis. Il est donc indispensable de standardiser les
préparations.
Le DER ("drug-extract ratio" ou rapport drogue extrait)
Le rapport drogue-extrait permet de calculer la quantité de drogue
correspondante et indique en pratique le nombre de parties de drogue
correspondant à une partie de l'extrait obtenu. Ainsi, un rapport de 20:1
indique une teneur de 5 % en substances extractives dans le produit tandis
qu'un rapport drogue-extrait de 4:1 indique une teneur en substances
extractives de 25 %. De manière à garantir des extraits de composition
constante, les quantités de drogues utilisées doivent varier selon la teneur
en constituants actifs. En conséquence, il est généralement fait mention d'une
fourchette de valeurs ; par exemple 6-8:1 signifie qu'une partie d'extrait
correspond à 6 à 8 parties de drogue. Si le DER est plus élevé, la fourchette
devient également plus large, comme 15-25:1.
Le DER est donc le rapport entre la quantité de drogue initiale (exprimée
en g ou kg) et la quantité de la préparation obtenue (extrait brut exprimé en
g ou kg).
Les paramètres capables d'influencer le calcul du DER sont les suivants :
• type de drogue
• nature du solvant
• concentration
• type d'extraction (percolation, macération)
• procédé de fabrication (durée, température, pression)
• type d'appareil (extracteur, pression...)
• quantité obtenue.
Ce rapport facilite le calcul de la posologie journalière de l'extrait, en
se basant sur la posologie traditionnelle de la plante selon la définition
suivante :
La dose journalière d'extrait (exprimée en g) est le rapport entre la dose
journalière (DJ) de la drogue (exprimée en g) et le DER.
On peut ainsi calculer la posologie d'un comprimé ou d'une gélule
renfermant à la fois extrait et excipients, en tenant compte de leurs
proportions respectives. Le DER étant généralement connu par deux chiffres, il
est possible de calculer les doses minimales journalières et maximales
journalières autorisées.
La standardisation
La standardisation des préparations consiste à garantir une qualité
pharmaceutique constante pour un médicament à base de plantes. On peut
utiliser la définition suivante :
Standardiser consiste à uniformiser les procédures de qualité à toutes les
étapes de fabrication, depuis la drogue de départ jusqu'à l'extrait, afin
d'aboutir à un standard spécifié.
Tous les paramètres influant sur la qualité du produit (extrait, produit
fini) doivent être définis et respectés et concernent la drogue de départ (son
origine, ses procédés de culture, la partie de plante, son identité, sa
pureté, sa teneur), mais aussi la nature et la concentration du solvant
d'extraction, le procédé de fabrication (macération/percolation, température,
durée, pression lors de la fabrication, procédé de séchage, contrôles en cours
de fabrication). Les demandes d'AMM font de plus en plus souvent appel à une
standardisation de tous ces paramètres.
La normalisation
Si l'ensemble des constituants participant à l'activité thérapeutique est
connu, la standardisation peut être renforcée d'une normalisation :
Normaliser consiste à créer une norme déterminée dans le cas d'une drogue
ou d'un extrait, en précisant à la fois une teneur minimale, mais aussi une
teneur maximale, rapportée à la substance ou à un groupe de substances
déterminant(e) pour l'activité.
L'étiquetage d'un médicament renfermant un extrait normalisé pourrait se
présenter ainsi :
Un comprimé retard renferme 263.2 mg d'extrait sec de graines de marron d'Inde
(rapport drogue-extrait 4.5-5.5:1, solvant éthanol 50 % m/m) correspondant à
50 mg d'hétérosides triterpéniques calculés en aescine anhydre.
|